Enfant de salaud ❀❀❀ Sorj Chalandon

Publié par Grasset 

336 pages

20,90 euros

première publication: 2021 

Résumé:

Depuis l’enfance, une question torture le narrateur :

- Qu’as-tu fait sous l’occupation ?

Mais il n’a jamais osé la poser à son père.

Parce qu’il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu’au jour où le grand-père de l’enfant s’est emporté : «Ton père portait l’uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! »

En mai 1987, alors que s’ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d’un « collabo », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.

Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d’un « Lacombe Lucien » mais il se retrouve face à l’épopée d’un Zelig. L’aventure rocambolesque d’un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.

En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.

Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.

Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.

Ce n’est pas un procès qui vient de s’ouvrir, mais deux. Barbie va devoir répondre de ses crimes. Le père va devoir s’expliquer sur ses mensonges.

Ce roman raconte ces guerres en parallèle.

L’une rapportée par le journaliste, l’autre débusquée par l’enfant de salaud.

Commentaire:

Coup de coeur pour le nouveau roman de Sorj Chalandon. Après une petite déception avec Une joie féroce, j’ai retrouvé tout ce que j’aime dans l’écriture de Sorj Chalandon. Il faut dire qu’il excelle quand il s’agit de parler de son histoire (même de façon romanesque).

Après Profession du père, on retrouve le père de Sorj Chalandon  dans cette double histoire. D’un côté, nous découvrons l’histoire du père pendant la Seconde Guerre Mondiale. De l’autre, nous assistons au procès de Klaus Barbie en 1987, couvert par Sorj Chalandon. Je savais que Klaus Barbie était un criminel de guerre, mais j’ignorais les détails. C’est désormais chose faite. L’auteur nous raconte les évènements, nous fait revivre certains passages (difficiles) du procès. Rien que la première mention aux enfants d’Izieu fait froid dans le dos. Difficile de ne pas être émue à la lecture de toute cette histoire. Difficile de ne pas être révoltée quand on voit l’attitude du criminel lors du procès.

De l’autre côté, nous retrouvons ce père, déjà aperçu dans Profession du père. Père fantasque, mythomane, qui a fait de l’enfance de son fils un calvaire. Nous le retrouvons ici adulte. Il veut absolument assister au procès. Son fils cède, mais dans le même temps, il commence une enquête pour savoir pourquoi, selon son grand-père, il est un « enfant de salaud ». Commence alors une enquête douloureuse, salvatrice, pleine de rebondissements. Cette enquête va le mener sur tous les fronts de la guerre et dans tous les camps. Il va devoir affronter son père pour enfin briser le silence et savoir qui il est…

Je ne suis pas ressortie indemne de ma lecture. On se surprend à detester ce père qui n’a fait que changer de camp pour sauver sa peau, tout en mettant à tout le monde, tout le temps, depuis toujours. Et puis au détour d’une page, quelque chose nous rappelle qu’il est aussi un père, certes loin d’être exemplaire, mais quand même un père qui a été aimé par un jeune garçon et qui a aimé, surement à sa manière, son fils. Les sentiments vis à vis du père sont ambivalents, quand en face, ceux qu’on ressent pour Klaus Barbie sont très clairs. En les opposants, l’auteur met en évidence les zones d’ombres et de lumières de son père.

Roman thérapie, cathartique pour l’auteur, il est touchant de justesse et est une déclaration d’amour au « salaud » qu’est son père…

Mots justes, émotions, petite et grande histoire, Sorj Chalandon aura une nouvelle fois su me toucher et m’émouvoir… J’ai hâte de lire le prochain!

Lecture en novembre 2021

Du même auteur:

 Une promesse; Mon traître; Le petit Bonzi; La légende de nos pères; Retour à Killybegs; Le quatrième mur; Profession du père; Le jour d'avant;